Découvrez comment on fabrique une lithographie

J’aimerais vous parler de la lithographie, qui est de loin le type d’estampe le plus populaire. Sur le principe, c’est très simple. Vous dessinez sur une pierre, vous pressez une feuille et voilà, vous avez une lithographie !

En réalité, c’est un peu plus compliqué que ça. C’est ce que nous allons découvrir ensemble dans cet article.

Au 19ème siècle, la lithographie était un moyen de diffusion important. On imprimait des publicités en lithographie, ou encore des affiches promotionnelles. Et de nombreux livres étaient illustrés avec cette technique.

Plus proche de nous, les artistes modernes, comme Picasso, Miro ou encore Chagall, se sont largement emparés de cette technique. Sans doute car elle offre des possibilités esthétiques très intéressantes, et qu’elle permet de diffuser largement une œuvre d’art.

L’union entre la lithographie et l’art était scellée ! La lithographie allait devenir la technique de l’estampe la plus populaire.

En pratique, comment on fabrique une lithographie ?

Pour commencer, il vous faut une pierre. Mais pourquoi une pierre ? Eh bien surtout parce qu’elle peut résister à des milliers d’impressions et que l’on peut la réutiliser à l’infini. Sachez aussi que la pierre utilisée pour la lithographie est disponible en abondance en Bavière… Là où la technique a été inventée !

L’artiste peut utiliser tous ses outils habituels, comme un crayon ou un pinceau. C’est ça le grand intérêt d’une lithographie, contrairement à la gravure. Eh oui, pour réaliser une gravure sur bois, par exemple, il faut tailler la matière, contrairement à la lithographie, où l’artiste peut utiliser un pinceau ou un crayon.

Alors, le dessin a été réalisé sur la pierre par l’artiste. A présent, un artisan imprimeur va encrer la pierre avec un rouleau et de l’encre lithographique.

Franck Bordas encre une lithographie de Jean Dubuffet en 1982, © Michelle Parra-Aledo Bordas.
Franck Bordas encre une lithographie de Jean Dubuffet en 1982

Là, ça devient un peu technique ! Le dessin a été fait avec un corps gras. On applique alternativement une solution chimique et de l’eau pour que l’encre se loge exactement sur les traits du dessin. Un peu comme l’eau qui repousse l’huile.

On a appliqué de l’encre sur la pierre, on peut maintenant passer à la phase d’impression. Pour ça, on utilise une presse qui va imprimer la feuille contre la pierre, et transférer le dessin sur le papier.

Eh voilà, notre lithographie est prête ! Notez bien que la pierre a été imprimée en miroir sur la feuille. L’artiste doit donc réaliser son dessin à l’envers.

Franck Bordas et Pierre Alechinsky à l'atelier de la Bastille , 2006 photo Ianna Andréadis
Pierre Alechinsky étudie une lithographie dans l’atelier de Franck Bordas

Un vrai défi : les lithographies en couleur

Comme l’estampe de Pierre Alechinsky au-dessus, la lithographie que nous venons d’imprimer n’a qu’une seule couleur. En effet, nous n’avons imprimé qu’une pierre avec de l’encre noire.

Si nous voulons d’autres couleur sur notre estampe, il va falloir réaliser une pierre pour chaque couleur. Ca se corse !

Attendez, car ce n’est pas tout. Si une couleur est imprimée sur une autre, elles vont se mélanger par transparence. Vous imaginez donc que réaliser une estampe en couleur demande un travail de conception important, et de nombreux essais. Heureusement, les artistes travaillent avec des “chromistes” qui sont très expérimentés.

David Hockney Going Out, from: Some New Prints lithograph and screenprint in colours, 1993, Courtesy Christie s
“Going Out” de David Hockney, une estampe en lithographie et sérigraphie, en 1993

Regardez cette estampe de David Hockney. L’artiste a dû réaliser une pierre pour le bleu, une autre pour le rouge, et ainsi de suite. Si vous zoomez un peu en bas à droite, vous pouvez même voir un mélange de jaune et de vert. Bref, c’est un sacré boulot !

Commercialisons notre litho !

Notre lithographie est donc imprimée en couleur. Il nous reste à apposer une signature, et un numéro d’édition. Il faut savoir que tout ce que vous voyez sur la feuille, en marge de l’œuvre, cela s’appelle la “justification”.

Au minimum, on va numéroter et signer la lithographie. Et certains artistes vont aussi écrire la date et le titre, par exemple.

Vous voyez ici un zoom sur le bas d’une estampe de Chagall. “76” est le numéro de cette litho, et “100”, le total de l’édition.

L’édition, c’est ce qui va être commercialisé. En général, on imprime quelques centaines d’estampes au maximum. Et enfin, pour que l’édition soit limitée, on va effacer la pierre après avoir tiré les lithos.

La litho 1/100 doit valoir très cher ?!

Souvent, on me demande si le numéro de la lithographie joue sur la qualité de l’impression ou la valeur de l’estampe. En vérité, les différents exemplaires sont rarement numérotés dans l’ordre. Donc cela n’a pas une grande importance.

Et pourtant, en général, plus le numéro de l’estampe se rapproche de 0, plus elle va prendre de la valeur… ! Si la question vous intéresse, j’ai fait un article entier sur ce sujet.

Honnêtement, vous ne verrez pas la différence entre deux lithos de la même édition. L’intérêt de la lithographie, c’est de pouvoir faire une édition de plusieurs centaines d’exemplaire identiques.

La lithographie, est-ce une œuvre originale ?

On peut se demander si une lithographie est une œuvre originale ou une reproduction (comme le poster de Monet que vous avez dans vos toilettes !)

Rassurez-vous, la lithographie est une œuvre d’art à part entière. Ce n’est pas une simple reproduction.

Identifier une lithographie

Vous pouvez vous amuser à regarder une lithographie à la loupe. Vous ne verrez pas de rosace, caractéristique de l’impression numérique ! En la touchant, vous sentirez le grain caractéristiques de l’impression. Et vous pourrez aussi sentir l’odeur particulière de l’encre lithographique. Le galeriste risque d’être un peu surpris lors de votre prochaine visite ! 😉

Pourquoi une lithographie est une véritable œuvre d’art ? D’abord, l’artiste a choisi de faire une lithographie et pas une peinture, par exemple. Il est entré dans l’atelier de lithographie avec une idée d’œuvre en tête.

De plus, il a dessiné lui-même sur la pierre, il a supervisé l’impression, et il a vérifié et signé chaque exemplaire. La signature permet à l’artiste de valider le tirage.

Si la notion d’œuvre “originale” vous intéresse, consultez cet article pour en savoir plus !

Pour conclure

Vous en savez à présent un peu plus sur la lithographie. C’est une technique exceptionnelle, à laquelle l’écran ne rend pas justice. Je vous conseille donc d’aller en voir en personne, de les observer de près et même de les sentir !

Vous verrez, plus on s’intéresse aux technique de l’estampe, et plus ces œuvres sont fascinantes.

Si vous souhaitez en savoir davantage au sujet de l’estampe, je vous suggère de poursuivre votre lecture avec ces articles :

Pour aller plus loin

Il existe peu de livre de vulgarisation sur la lithographie. Souvent, il s’agit de manuel pour les praticiens, ou de traité techniques. Voici tout de même une sélection pour aller plus loin.

Ce petit guide pratique en anglais permet de comprendre les différentes techniques de l’estampe très rapidement. L’auteure offre aussi de nombreux conseils pour comprendre et collectionner les estampes moderne. Ce livre est génial !

Ce livre raconte l’histoire d’éditeurs d’estampe de renom, qui ont diffusé cet art au plus grand nombre. Vous y trouverez quelques textes intéressants, et de nombreuses reproductions de lithographies et d’autres estampe d’artistes français. Un petit livre très agréable !

La BNF publie une collection très bien faite portant sur les estampes d’artistes reconnus. Je peux vous suggérer Soulages, les estampes japonaises ou encore Pierre Alechinsky !