Tout savoir sur la signature d’une œuvre d’art

Dans cet article, j’aimerais zoomer sur un petit détail d’une œuvre d’art : la signature. En effet, même si elle ne prend pas beaucoup de place, elle est d’une importance capitale !

Mais d’abord, faisons un rapide tour d’horizon des différentes inscriptions que porte une estampe. Regardez cette image :

Zoom sur le bas d'une estampe de Max Beckmann
Zoom sur le bas d’une estampe de Max Beckmann


Alors, qu’est-ce qu’on trouve sur cette image ?

  • A : En bas à gauche, généralement, vous trouverez la “numérotation”, en chiffre arabe, sous la forme “43/75”, c’est à dire le numéro de l’exemplaire sur le numéro total de l’édition. Vous trouverez parfois d’autres numérotations : XV/XX, H.C. (hors-commerce), E.A. (épreuve d’artiste) apposées sur des tirages hors de l’édition standard. Ces tirages peuvent être évalué plus cher.
  • La liste des différents tirages d’une même édition est appelée la “justification”. Vous la trouvez à la fin des livres illustrés, et dans les catalogues raisonnés. Pour notre exemple au-dessus, elle est simple : “Edition de 75 exemplaires, plus 4 épreuves d’essais”.
  • B : Dans la zone centrale, en bas de l’image, vous pouvez trouver des inscriptions aussi diverses que la date, le titre, ou encore la technique de l’estampe. Ici, l’artiste a inscrit le titre de l’œuvre.
  • C : La plupart du temps en bas à droite de l’image, vous trouverez la signature de l’artiste, qui peut prendre plusieurs formes (on en reparle dans quelques lignes !).

Ca c’est un exemple courant d’une estampe signée et numérotée, et portant quelques inscriptions supplémentaires. Mais certains artistes inscrivent beaucoup d’informations sur une œuvre (devant, et au dos).
Hundertwasser, par exemple, décrivait le processus de création de l’œuvre au dos, avec la date, le lieu et le nom de chaque personne ayant participé à l’estampe ! Il apposait même un numéro de catalogue.

Hundertwasser sérigraphie Regentag portfolio Gravure sur bois, lithographiee estampe
Inscriptions d’une estampe de Hundertwasser. Vous voyez, entre autres les tampons des différents artisans et la numérotation.

Zoomons sur la signature

Parmi les inscriptions, le plus important est, bien sûr, la signature ! Mais sachez qu’il s’agit d’un phénomène récent. Eh oui, ce n’est que depuis la Renaissance que l’œuvre porte une signature, pour faire reconnaître le travail d’un individu. A partir du 20ème siècle, le marché accorde une importance à la signature, donc tous les artistes ont dû s’y mettre !

Quelle forme peut prendre une signature ?

Ca, c'est le plus courant : une signature bien identifiable. Notez qu'elle peut être différente selon les périodes de l’artiste.
Parfois, l’artiste signe avec ses initiales, ou une lettre, ou encore un symbole. C'est ce que l’on appelle “monogramme” dans le jargon.
Pour les estampes japonaises, chaque artisan participant à l’estampe appose son cachet (appelé "Inkan").
Le tampon reproduisant la signature de l’artiste est utilisé par une institution qui tire une estampe. C’est le cas quand l’artiste ne veut pas signer, ou qu’il ne peut pas (en général, après sa mort). Dans le jargon, on l'appelle “Cachet de la succession” ("Estate Stamp" en anglais)
Signature “dans la pierre”, ou encore “dans la planche”, quand l’artiste a signé directement la pierre lithographique, par exemple. Cette signature, comme le dessin, est reportée sur le papier. Comme pour le “cachet de la succession”, celle-ci n’a pas une grande valeur.

Mais comment reconnaître une signature “dans la pierre”, ou encore un “cachet de la succession” ?
Bonne question ! En général, une estampe est signée au crayon de papier. Cette signature laisse souvent une marque en creux, que vous pouvez observer (de près) ou sentir au toucher, au dos de la feuille. Un tampon sera plat et plus franc.

Les artistes aiments-ils signer ?

Eh bien, pas tellement. En effet, rares sont les artistes qui apprécient signer une série de 200 estampes à la main. Certains rechignent, comme Picasso ou encore Francis Bacon, mais aucun ne sous-traite cette tâche, heureusement ! Par contre, les autres inscriptions sont souvent faites par une autre personne. On utilise l’expression “de la main de l’artiste” pour préciser quand il a daigné s’emparer d’un crayon. Mention spéciale à Hundertwasser (encore lui !) qui a signé une sérigraphie à 10.000 exemplaires.

Hundertwasser, Good morning city. Plus d’informations sur ce projet monumental à ce lien.

Quel est le rôle d’une signature ?

Une signature sert évidemment à attribuer une œuvre à un auteur, mais elle a d’autres rôles :

  • Approuver un tirage. En effet, l’artiste, en apposant sa signature sur une estampe, certifie que l’impression lui convient.
  • Donner le “dernier coup de pinceau” à une œuvre. Les artistes travaillent souvent pendant des semaines ou des mois sur une œuvre, et ils apposent leur signature quand ils la jugent terminée.
  • Dater une œuvre. Certains artistes ont eu de nombreuses signatures durant leur carrière, ce qui permet de relier une œuvre à une époque.
Plusieurs signatures d’Otto Dix

Valeur de la signature

Pour les estampes modernes, la signature manuscrite ajoute indéniablement de la valeur. Une estampe de Picasso signée coûte par exemple deux à trois fois plus cher que le même tirage non signé.
De la même manière, en général, plus l’œuvre comporte d’inscriptions (de la main de l’artiste) plus sa valeur augmente. On observe même des variations de prix étonnantes, comme les fameuses signatures “rouges” de Picasso.

Enfin, on trouve parfois des œuvres signées plusieurs fois. Une fois dans la planche, puis une seconde fois au crayon. En règle générale, cela n’influence pas le prix de vente.

Gare aux fausses signatures !

Malheureusement une signature est encore plus facile à falsifier qu’une œuvre. Même un œil entraîné aura du mal à reconnaître une fausse signature. Et je ne vous parle même pas des certificats d’authenticité !

Et c’est encore plus dramatique pour l’estampe, car une huile sur toile, œuvre importante d’un artiste, n’a même pas besoin de porter une signature puisqu’elle est unique. On comprend donc qu’un faussaire a tout intérêt à apposer une fausse signature pour augmenter la valeur d’une estampe.

identifier une fausse signature

Comme je vous l’ai dit, même un œil entraîné peut avoir des difficultés à détecter une fausse signature.

Votre meilleure arme, comme d’habitude, est le catalogue raisonné de l’artiste. Vérifiez que l’estampe que vous convoitez est censée être signée, et avec quel type de signature. Cela peut vous permettre d’écarter des offres suspectes. Prenons un exemple avec cette lithographie de Hans Hartung :

Et voici la notice du catalogue raisonné de l’artiste, pour que vous sachiez comment cela se présente :

Ensuite, il est important de vous “faire l’œil”. Plus vous rencontrerez de signatures d’un artiste, plus vous saurez reconnaître une (mauvaise) fausse signature. Le mieux reste tout de même de demander son avis à un professionnel ou, surtout, d’acquérir la litho ou la gravure de votre choix chez un galeriste de confiance.

Picasso et la signature

Pour illustrer cet article, prenons l’exemple de Picasso, dont la signature est extrêmement connue. Malgré tout, l’artiste avait un rapport ambivalent avec l’acte de signer.

Picasso signait souvent ses œuvres uniques (peintures, dessins) au moment de les vendre. Le message était clair : toute œuvre non signée sur le marché était probablement fausse.

Pour ce qui est des estampes, on a retrouvé, à sa mort, des montagnes de tirages (dont de nombreux non signés) dans ses villas. Eh oui, pour tenir sa cadence infernale, Picasso ne prenait pas nécessairement le temps de signer.

Comme vous l’avez compris, les estampes signées au crayon ont toujours plus de valeur sur le marché. Pour ses peintures, il en va différemment. Une étude statistique a d’ailleurs été réalisée sur les ventes d’œuvres uniques de l’artiste. Le résultat est étonnant : la présence d’une signature n’a finalement que peu d’influence sur le prix !

Signature à la sauvette

Il faut savoir que si une édition de 50 (typique de Picasso) n’est pas signée, il se peut que certains exemplaires le soient malgré tout. Par exemple quand des collectionneurs croisaient l’artiste et lui demandaient une signature. Ou encore dans le cas du bon à tirer (BAT), l’impression qui faisait foi pour lancer l’édition officielle, après les différents essais (ou “états”). Le BAT d’une estampe se vend souvent cher, car c’est un exemplaire unique portant parfois des inscriptions intéressantes, voire des retouches de couleurs.

De fausses signatures chez Picasso

On sait que les tirages portant une fausse signature ne sont malheureusement pas rares. Un bon exemple est la fameuse suite Vollard, car celle-ci était composée de plusieurs versions : 3 impressions au crayon rouge, 50 impressions sur grand papier et 260 exemplaires classiques. Avec tout ça, on a du mal à s’y retrouver, et un exemplaire suspect passe plus facilement inaperçu… !

Tête de Marie-Thérèse, gravure, 1933
Tête de Marie-Thérèse, gravure, 1933, extraite de la série “La Caisse à remords”

Un autre cas intéressant est celui de la Caisse à remords, une série de 45 gravures qui porte ce nom car Picasso les a négligées pendant des années dans une boite, préférant travailler sur d’autres projets. Du coup, l’édition a été signée grâce au “tampon de la succession” (du vivant de l’artiste). Ces signatures sont intéressantes, car elles sont visibles à distance, contrairement aux signatures au crayon. Mais elles n’ont, bien sûr, pas la même valeur.

Pour en savoir plus

Et voilà, vous en savez un peu plus sur la signature, une partie essentielle d’une œuvre d’art. Alors ouvrez l’œil lors de vos prochains achats !

Je vous laisse avec quelques références, si vous souhaitez creuser le sujet :

    • Il existe des bases de données de signature d’artiste (souvent payantes).
    • Consultez le catalogue raisonné de l’artiste qui vous intéresse.
    • La section portant sur Picasso est inspirée du site de la galerie Ledor (à consulter avec profit si vous appréciez l’artiste).

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