La restauration

Si les ennemis du papier sont nombreux et font froid dans le dos, il est impressionnant de voir les opérations de sauvetage qu’opèrent les bons restaurateurs. Premier conseil donc, après vous être fait ami avec un encadreur, trouvez l’adresse d’un atelier de restauration d’art digne de ce nom.

Ces professionnels connaissent parfaitement la chimie du papier, sa composition et sa fabrication ainsi que les différents risques inhérents à ce support fragile. Ils poseront un diagnostic en employant leur savoir technique et leur expérience de restauration. Chaque problème est unique et demande une solution adaptée, pas toujours orthodoxe mais qui peut faire des miracles.

Faut-il restaurer une oeuvre sur papier ?

La restauration dénaturera une œuvre d’art, même si son objectif est d’en améliorer l’état. La valeur de l’œuvre sera aussi modifiée, parfois à la hausse, d’autres fois à la baisse. Une toile de maître, par exemple, sera la plupart du temps laissée « dans son jus », qui lui confère une patine naturelle. Alors qu’il avait déjà convenu de la vente d’un Picasso de 1932 pour (139M$), le collectionneur Steve Wynn l’a malheureusement enfoncée de l’épaule (ne me demandez pas comment). La balafre causée par l’incident n’a pas pour autant troublé son acheteur déclaré, qui l’a acquise pour 155M$ en 2013.

La règle semble être que plus une œuvre est chère (donc rare), moins vous n’aurez besoin d’investir dans sa réparation. Au contraire, on attendra d’une lithographie, au hasard, d’Hans Hartung, évaluée à quelques centaines d’euros qu’elle soit dans un état impeccable. Sinon, il suffira d’attendre qu’une des 100 autres de l’édition soit mise sur le marché.

Illustration : deux lithographies d’Hans Hartung, L 1973-1 et L 1973-18 réalisées sur BFK Rives en 1973 par Erker à Saint-Galen. Éd. de 100. (© RMM)

Un autre exemple permet d’apprécier la difficulté à prendre la décision d’une restauration : La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne, huile sur panneau de Léonard de Vinci (1508). La restauration, récemment opérée par les experts du Louvre, divise l’opinion. En effet, certains historiens affirment que le décapage que le tableau a reçu a atténué le légendaire effet de sfumato propre à De Vinci. Ouille.

Alors, que faire ? Évidemment, la prévention reste la meilleure option et je vous souhaite de ne jamais devoir lire le présent article à la recherche des symptômes observés sur une estampe de votre collection. Si vous vous reconnaissez dans l’un des symptômes, vous n’êtes pas un amateur d’art hypocondriaque mais je vous suggère tout de même une visite chez le restaurateur.

Faites faire plusieurs devis, discutez avec de bons restaurateurs et n’hésitez pas à vous renseigner davantage sur la conservation des œuvres sur papier, ce qui vous fera certainement faire quelques économies.

D’aucun dirait (je n’en fais pas partie) que la meilleure conservation possible des œuvres est un devoir du collectionneur. Si vous collectionnez les estampes, votre responsabilité n’est pas engagée de la même manière que si vous possédez une œuvre unique faisant partie du patrimoine national. Ceci-dit, il est judicieux de prendre des mesures dès l’apparition des premiers problèmes de conservation et de vérifier régulièrement votre collection.

Je vous laisse avec un autre exemple amusant qui vous gardera de faire du zèle en la matière. Un collectionneur privé détenait une œuvre de M. Kippenberger évaluée à un demi-million de dollars. La personne en charge du nettoyage de la maison, voulant bien faire et sûrement ignorante de la valeur du tableau, en a détruit la patine en frottant un peu trop fort. Résultat ? La valeur de l’œuvre a instantanément dégringolé. La légende dit que l’expression « passer un sale quart d’heure » tire son origine de cette histoire !